Les primaires de la droite viennent de mettre fin (provisoirement ?) à la présence de Nicolas Sarkozy dans le paysage politique français. Pas grand monde ne s’en plaindra. L’avenir s’éclaircit-il pour autant ? Rien n’est moins sûr.
La fin du “sarkozysme”
Mû essentiellement par la recherche d’une réussite personnelle, Nicolas Sarkozy a mené des politiques fondées sur la réaction à l’actualité médiatique, sans convictions autres que son rôle d’homme providentiel et que toutes les causes étaient défendables, du moment qu’elles étaient populaires. Ce manque de cohérence, symbolisé par ses discours volontaristes rarement suivis d’effets réels, a fini par l’enfermer dans une nasse. Il est révélateur que François Fillon, qui met en avant la constance de ses propositions, ait obtenu le double du score de Nicolas Sarkozy.
Chose plus grave encore, l’ancien président de la République a fait le lit de la banalisation des idées du Front national. Pour des raisons électoralistes, mais aussi par le choix de ses amis et conseillers. Le rôle de Patrick Buisson est bien connu. Beaucoup d’autres de ses amis, liés à de multiples procédures judiciaires, alimentent de leur côté le discours “tous pourris” du FN.
Nicolas Sarkozy a joué avec le feu de l’extrême-droite; il sera peut-être un des incendiaires de la République si le FN arrive un jour au pouvoir (d’autres comme Jean-François Copé ou Nadine Morano auront aussi leur part).
Des programmes à droite bien inquiétants
Cependant, l’avenir reste sombre. Il subsiste deux candidats. Et l’on sait que, à cause d’une gauche éclatée pour l’instant, on risque fort d’avoir à voter pour l’un ou l’autre au second tour pour contrer Marine Le Pen.
Clairement, aucun de ces candidats ne porte les ambitions du SGEN. Cependant, le plus inquiétant pour l’Ecole est François Fillon.
Parmi les propositions que nous ne pouvons pas accepter – elles sont nombreuses – on trouve en bonne place le choix de favoriser l‘enseignement privé, de privatiser l’enseignement professionnel (il n’est pas le seul, voir ici) ou d’augmenter le temps de présence des enseignants.
Des menaces sur l’ESPE ?
Même si le candidat Fillon n’en a pas parlé, nous avons de fortes inquiétudes pour la formation initiales des nouveaux enseignants et pour les ESPE. Le ministre de l’enseignement supérieur en 1993-95 François Fillon déclarait alors que le procès des IUFM n’était plus à faire et que par conséquent, leur « logique » devait être supprimée. Il n’avait pu y réussir à ce moment, mais premier ministre entre 2007 et 2012, il avait cette fois atteint son objectif en imposant à ses ministres de l’Education nationale la mastérisation et la mort, de fait, des IUFM. Rappelons que pendant plusieurs années, les nouveaux enseignants ont été mis à temps plein directement devant les élèves, sans aucune décharge, avec une formation forcément très limitée.
Un poste sur 5 supprimé ?
François Fillon a aussi annoncé la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires en 5 ans. Rappelons que la même politique sous Nicolas Sarkozy avait amené la disparition de 150 000 postes, dont 60 000 dans l’enseignement. Si l’on passe à 500 000, on peut envisager environ 200 000 postes dans l’enseignement, soit un poste sur 5 (1 million de postes actuellement pour l’EN et le supérieur). Cela paraît irréaliste certes, mais la saignée sera sans doute considérable, au-delà de tout ce que l’on a pu connaître jusque-là.
Une Histoire orientée ?
Enfin, François Fillon a communiqué ses positions sur un enseignement de l’Histoire fondé sur un “roman national”, avec de grands hommes et de grandes dates. L’idée est bien sûr de forger une culture nationale commune (comme pour l’uniforme d’ailleurs), une idée déjà appliquée à la naissance de la IIIème République, à la fin du XIXème siècle. Cependant le risque est grand d’enseigner une histoire déformée, mise au service d’une certaine idée de la France (les “racines chrétiennes” par exemple, au hasard), de renforcer l’idée que l’Histoire est faite par des grands hommes, sortes de messies, et que la majorité de la population n’est qu’un public, pas un acteur. La démocratie ne serait alors qu’un théâtre de manipulations, les vrais décisions étant prises par les “grands hommes”. Certes de nombreux hommes politiques se prennent pour des de Gaulle, des Clémenceau ou des Jaurès, mais il est dangereux qu’ils projettent leurs fantasmes sur les élèves. La jeunesse a besoin d’avoir confiance dans sa capacité à maîtriser son destin, pas qu’on lui dise que son bulletin de vote ne sert qu’à départager des égos.
Olivier Buon
Secrétaire général du SGEN-CFDT Basse-Normandie