La fédération des Sgen-CFDT a réuni le 11 avril des acteurs de l’apprentissage public. Parmi eux des formateurs, chefs de travaux, chefs d’établissement, coordonnateur, CFC des académies de Rouen, Strasbourg, Caen, Lyon, Nancy-Metz, Aix-Marseille, Grenoble, Rennes pour l’éducation nationale et l’enseignement agricole public.
Cette réunion a permis de mesurer la très grande diversité des situations et des récentes évolutions, de dénoncer l’absence de reconnaissance des personnels engagés dans ces formations, titulaires ou contractuels, tout comme l’absence de réel pilotage de la part des ministères concernés.
Une grande diversité de situations
Certaines académies ont une longue tradition de CFA publics nombreux annexés à des EPLE, ainsi que dans l’ensemble de l’enseignement agricole public alors que d’autres académies ne disposent que d’un CFA académique « hors les murs » rattaché à un établissement support ou à un Groupement d’ Intéret Public (GIP), qui gère des Unités de Formation d’Apprentis (UFA) disséminées dans les EPLE. D’autres académies ont opté pour des CFA départementaux. Dans la plupart des cas, les structures d’apprentissage et des lycées sont nettement séparées, même si des formations mixtes « élèves-apprentis » existent, surtout pour des raisons de maintien de structures de formation. Les financements des formations sont selon les régions établies à l’heure, au groupe, à l’apprenti, ou au forfait.
Des personnels qui n’ont pas les mêmes droits que les autres enseignants
La même diversité se retrouve pour les personnels qu’ils soient enseignants, coordonnateurs, directeurs ou administratifs. Les titulaires « gagés » représentent 45 % des acteurs dans une académie, alors que dans d’autres académies, l’essentiel de l’activité est assurée en heures supplémentaires par des personnels des lycées. Les contractuels et vacataires sont très nombreux. Des heures peuvent également être gagées pour compléter le service d’un enseignant. Le coût des heures et postes gagés a été souligné, alors que les titulaires assurent souvent la stabilité de l’UFA ou du CFA. Globalement, à quelques exceptions près, les personnels ne disposent pas des mêmes droits que leurs collègues des lycées. Ils n’ont pas le même accès à la formation continue, n’ont pas de Numen (immatriculation des personnels de l’ EN), d’indemnité ZEP ou de professeur principal, voire de supplément familial de traitement, ou d’accès au service social (accès aux chèques vacances). Dans une académie, le droit de vote au conseil d’administration n’existe que depuis peu et la plupart des personnels non titulaires ont été exclus des élections professionnelles de 2011. L’encadrement et les moyens de surveillance ou d’accueil sont également très variables, entre les CFA qui disposent de proviseur adjoint ou de directeur adjoint, et ceux qui n’ont pas de moyen supplémentaire.
Une organisation des services sans cohérence ni réglementation claire
L’organisation des services d’enseignement est également très diverse, sans cohérence ni réglementation claire sur le décompte des heures de face à face, de coordination, de suivi des apprentis en entreprise, de concertation, d’absence, etc. Les pondérations sont aléatoires, variables d’une année sur l’autre, y compris pour les heures d’enseignement. Dans l’académie de Caen, les heures qui n’étaient pas pondérées trois ans auparavant, le seraient à la prochaine rentrée au taux de 0,56. Dans l’enseignement agricole, comme dans certaines académies pour l’Éducation nationale, une réglementation existe pour le décompte des services. Ils le sont sur une base annuelle, seule façon de gérer l’organisation de l’apprentissage avec son alternance, que ce soit par le biais des pondérations ou/et du décompte annuel sur la base du service enseignant de la formation initiale.
Un statut ambigü pour l’apprentissage assuré par le service public
Parmi les récentes évolutions dans les académies, ont été évoquées les difficultés liées à la réduction du nombre d’apprentis, et à l’équilibrage des plans de charges en fonction des arrivées tardives d’apprentis ou de la baisse du nombre de formation notamment au niveau V. Cette baisse est notamment liée à l’âge d’entrée en CFA au niveau V, de plus en plus jeune, sans parler des difficultés de savoir-être à l’origine d’un certain nombre de ruptures de contrats. Dans plusieurs académies, la tendance est de regrouper les sections dans un seul CFA académique. La gestion du CFA académique au sein du GIP-FCIP (Formation Continue Insertion Professionnelle) ne facilite pas la cohérence avec le statut particulier des GIP au regard du statut de la fonction publique, notamment en terme d’évaluation et de gestion. Lors de la création du GIP qui remplace un EPLE, les personnels sont mis dans l’obligation de choisir le détachement en GIP ou de muter en lycée. Les lauréats des concours réservés sont obligés de muter en lycée, sans bonification correspondante à leur ancienneté dans le poste. Le nombre de postes comme d’heures gagés continue de décroître.
Les injonctions paradoxales font office de pilotage
Globalement la pression mise sur les personnels est grandissante, avec des menaces sur la pérennité des postes, sur le niveau de paiement des heures ou sur leur paiement par exemple pour les remplacements, ou pour la reconnaissance des démarches de développement de l’apprentissage assurées par les formateurs ou les coordonnateurs. Alors que les régions et le ministère affirment vouloir développer l’apprentissage, leur volontarisme ne se traduit que par la charge et la pression exercées sur les personnels, enseignants comme de l’encadrement. Les injonctions paradoxales se multiplient et font office de pilotage et de gestion des ressources humaines.
Bricolage, incohérences et gestion indigne du service public
Plusieurs problématiques ont été relevées à commencer par celle du pilotage de l’apprentissage par le ministère et les services rectoraux. La volonté affichée de rapprocher les lycées des CFA n’est que déclarative, et relève surtout de la posture sans engagement réel ni courage. La principale difficulté est liée au cloisonnement des services dans les régions autant que dans les services académiques ou ministériels. Les comptabilités sont différentes (analytique versus publique), les financements sont variables voire aléatoires : certaines régions contribuent au versement de l’ISAE ou de l’entretien des locaux alors que dans d’autres académies, les services régionaux gérant les lycées interdisent l’implication des personnels régionaux dans les CFA. Les contraintes administratives sont fortes et la gestion des personnels est souvent comparable à celle des personnels des Greta, avec les mêmes difficultés de reconnaissance et de ressources humaines, difficultés accrues dans le cadre du GIP. Les politiques académiques et régionales ne sont parfois pas coordonnées. Bricolage, incohérence, gestion au coup par coup caractérisent de nombreuses académies dans le domaine de l’apprentissage.
D’autres problématiques sont pointées comme celle de l’orientation des élèves vers l’apprentissage, le risque de baisse du nombre d’apprentis au regard des récentes lois, le risque de ne développer que des formations supérieures qui feraient de l’apprentissage une filière élitiste. Pour la gestion des personnels se posent les questions de la part d’emplois et d’heures supplémentaires, de l’échange éventuel de services en lycée et en apprentissage, de la mutualisation notamment par une DHG globale pour les EPLE incluant les UFA ou le CFA, de la place de la coordination, de la référence au statut de la fonction publique (1607h), de l’annualisation des services, des fiches de paie doubles. Les questions budgétaires sont également à considérer de même que la place des gestionnaires et agents comptables dans la charge de travail et la responsabilité.
Le Sgen-CFDT revendique un pilotage réel et la reconnaissance des personnels
Les revendications et propositions formulées visent à promouvoir l’apprentissage public au service des apprentis dans le cadre d’une mission de service public qui garantit la reconnaissance des structures et des personnels de l’apprentissage. Il s’agit de reconnaître le travail accompli, d’accorder aux personnels les mêmes droits que leurs collègues de lycée en terme de stabilité, de carrière, de mobilité, d’évaluation, de formation, de droit à pension, etc. Les missions spécifiques comme la coordination ou le développement doivent également être reconnues. Concernant les services des formateurs, un cadrage national doit harmoniser les missions et les heures, dans une dotation affectée aux établissements supports.
Il faut un pilotage national et académique, via les services académiques de l’apprentissage, en lien avec les régions et le ministère du travail. C’est en mutualisant les plateaux techniques et les compétences que l’apprentissage sortira de son statut de formation au rabais avec des personnels en marge. L’alternance et la porosité des parcours des jeunes en apprentissage puis en lycée permettrait de sortir des logiques de relégations et de donner aux apprentis comme aux formateurs la sérénité et pourquoi pas le « bonheur » dans un parcours de formation pour les uns et dans l’exercice de leur mission de service public pour les autres.