autonomieLa cour des comptes a une obsession : donner la responsabilité de la gestion des enseignants aux chefs d’établissements et aux directeurs.
Certes la gestion centralisée au rectorat ou à la DSDEN pose beaucoup de problèmes, dus pour l’essentiel aux masses considérables de personnels qui en dépendent et à l’éloignement du terrain. Comment faire de la gestion des ressources réellement humaines quand la plupart du temps on n’a pas rencontré les collègues concernés ?
Cependant, dans la tradition de la fonction publique, tout passe par la hiérarchie. La cour des comptes ne semble pas envisager la possibilité de confier des responsabilités à des équipes. Seul le chef d’établissement est un interlocuteur. On lui confie un groupe de personnels et il fait comme il veut.
Les mesures proposées montre bien que la conception d’une autonomie est celle des chefs d’établissements et pas celle des équipes.

Ci-dessous les recommandations de la cour des comptes, issues du rapport qui vient d’être publié, et quelques commentaires.

Recommandations de la cour des comptes

Remarques

1. compléter la liste des missions liées au service d’enseignement du second degré en intégrant le remplacement et la formation continue ; prévoir le respect de l’ensemble de ces missions dans un forfait annuel (recommandation reformulée) ; Le forfait annuel permettrait à la direction de gérer avec le moins de « pertes » possibles le temps de travail des personnels mis à disposition dans l’établissement. Ainsi les absences à cause du bac ou du brevet, journée du sport scolaire, sorties ou voyages, ou à cause de la formation continue, seraient récupérées. Une même rémunération pour un temps de travail hebdomadaire largement  augmenté car on peut imaginer que toutes ces heures de surveillance, de correction du bac et du brevet, d’accompagnement et de formation seraient à faire en plus. C’est le sens de ce que demande la rapport.

Actuellement, le cadre hebdomadaire donne des garanties aux enseignants qui peuvent accepter ou refuser des aménagements. L’annualisation risque de donner dans ce domaine tous pouvoirs aux principaux et proviseurs.
D’autre part, la cour des comptes a une vision purement comptable du remplacement. Elle oublie de penser à l’élément qualitatif du problème (dimension qu’elle réclame d’ailleurs à d’autres parties de son rapport !) : il ne suffit pas de mettre un adulte devant les élèves pour avoir un remplacement ; cela peut être juste de la garderie si un certain nombre de conditions ne sont pas mises en place.
Enfin l’instauration de ce nouveau cadre aux enseignants nouvellement titularisés (« dans un premier temps » !) est évidemment là pour éviter de trop brusquer la profession.

2. annualiser les obligations de service des enseignants du second degré, en prévoyant notamment un contingent d’heures effectuées au sein de l’établissement au titre des missions liées à l’enseignement, en réservant dans un premier temps ce cadre aux nouveaux enseignants devant être titularisés (recommandation complétée) ;
3. renforcer le développement du travail collectif, en donnant un rôle central à l’équipe pédagogique, en organisant en son sein de manière systématique les fonctions de coordination et d’appui et en développant l’évaluation collective (recommandation reformulée) ; Sous cette recommandation assez vague, il faut comprendre que la cour des comptes veut donner aux chefs d’établissement le pouvoir d’imposer du travail collectif. Or ce dernier ne s’impose pas par le haut. Il se construit dans et par une équipe. C’est plus long, mais tellement plus efficace !
4. mettre en place le cadre juridique permettant les expérimentations d’échanges ou d’affectations de professeurs des écoles au collège et d’enseignants du second degré à l’école primaire et les développer quand elles sont utiles pour assurer la continuité de la scolarité entre l’école primaire et le collège (cycle 3 de l’école du socle) (recommandation reformulée) ; Les échanges au sein du cycle 3 sont effectivement utiles et peuvent parfaitement passer par la possibilité d’aller enseigner en partie en école quand on vient du collège ou l’inverse. Cela rendrait plus cohérent le passage des élèves en 6ème. Il faut cependant bien rendre possible la chose, pas l’imposer.
5. instituer, dès la formation initiale, la possibilité de bivalence ou la polyvalence disciplinaire pour les enseignants du second degré intervenant au collège ; ouvrir la possibilité, pour les enseignants déjà en fonction et présentant les compétences requises, d’opter pour l’enseignement de deux disciplines ; développer la polyvalence en classe de 6ème (recommandation complétée); La polyvalence existe déjà largement en collège et en lycées (Histoire-Géographie-Education civique, Lettres-langues anciennes par exemple). Elle est encore plus importante dans les lycées professionnels (Lettres-Histoire-Géo, Maths Sciences, Lettres-Anglais …). Elle a plein d’intérêts pédagogiques. Et même pratiques comme la limitation des postes partagés. Cependant, il semble que pour la cour des comptes, il s’agisse surtout de permettre de mieux gérer l’emploi du temps des personnels en évitant que des heures ne soient perdues.
6. dans le premier degré, associer les directeurs d’école à l’évaluation des enseignants par l’IEN ; Toujours cette vision très hiérarchique de la fonction publique. Il faut donner au directeur d’école un statut comparable à celui des chefs d’établissements. Et on le fait passer par l’évaluation. La cour des comptes oublie cependant que l’évaluation a maintenant beaucoup moins d’incidences sur la carrière. Plus exactement elle le déplore et pousse clairement dans le rapport à un retour à la politique de la carotte et du bâton.
7.  donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la responsabilité, dans certaines limites, de moduler la répartition annuelle des heures de service devant la classe en fonction des postes occupés et des besoins des élèves (recommandation réitérée) ; Le principe de cette modulation est défendu par le SGEN dans l’intérêt des élèves. Ce qui pose problème est que la responsabilité est confiée à la seule direction.
8. mettre en place un système de mesure et d’analyse assurant une connaissance précise et fiable des besoins des élèves, et en particulier de leurs acquis et compétences (recommandation réitérée) ; Le principe ne peut qu’être défendu, mais à quoi serviront en fait ces évaluations ? Dans son rapport, la cour des comptes défend clairement une évaluation des enseignants en rapport avec les résultats des élèves.
Vues les difficultés de l’entreprise, ce serait inéquitable et inefficace.
9.  poursuivre la mise en place d’un nouveau modèle de répartition pour le second degré fondé sur la prise en compte des besoins des élèves, notamment des acquis scolaires et des conditions socio-économiques (recommandation reformulée) ; Oui, c’est déjà ce que le gouvernement précédent a mis en place. Il faut continuer à répartir les moyens en fonction des besoins réels et non selon les habitudes.
10. afin de constituer des équipes cohérentes, mettre des postes à profil à la disposition du chef d’établissement et en augmenter le nombre ; plus généralement, prendre en compte dans les affectations l’adaptation des profils professionnels aux besoins des élèves et au projet d’établissement (recommandation reformulée) ; L’idée de postes à profil peut paraître bonne et d’ailleurs elle existe déjà : ce sont les postes spécifiques. Ils sont souvent indispensables, mais il y a aussi des dérives. Des postes spécifiques sont régulièrement créés plus pour garder untel dans l’établissement plutôt que pour une compétence particulière qui serait nécessaire ou que possèderait justement ce untel.
Il faut aussi avoir en tête que ces postes hors mouvement rendent plus difficile le mouvement classique. In fine, des collègues séparés de leur conjoint et de leurs enfants, ou avec un handicap, auront encore plus de mal à se rapprocher.
11. faire en sorte que les agrégés ne soient plus affectés au collège, y compris en créant pour ces enseignants une obligation de mobilité (recommandation reformulée) ; Comment justifier de payer plus cher des collègues qui ont les mêmes élèves et qui travaillent moins ? Forcer les collègues à quitter un collège près de chez eux pour un rejoindre un lycée qui ne sera pas forcément le plus proche sera évidemment très mal vécu et n’est en rien une réponse adéquate. Si le débat sur l’agrégation doit un jour être lancé, en particulier pour redéfinir sa fonction, il devra être fait en lien avec le temps de travail de tous les collègues en collège et en lycée.
12. poursuivre la mise en place de mesures réellement incitatives, notamment en matière indemnitaire et de carrière, afin de compenser les différences d’attractivité entre les postes (recommandation reformulée) ; La mesure 12 ne peut que recevoir notre accord. Le rapport indique bien par ailleurs que la rémunération des enseignants du premier degré est nettement en-dessous de la moyenne des pays des l’OCDE. Pour le second degré, la France est de même mal classée pour l’entrée dans le métier, pour arriver dans la moyenne en fin de carrière. Les difficultés de recrutement sont en grande partie liées à ce phénomène (avec aussi les à-coups sur le nombre de places aux concours).
Cependant, la mesure 13 lie ces augmentations à une réduction du nombre d’enseignants. C’est un leurre. Il y a 5 ans, nous étions arrivés au bout de cette logique et les électeurs avaient sanctionnés un gouvernement qui fermait les écoles et avait supprimé en nombre des postes de titulaires remplaçants. La présidence Hollande a permis de revenir à un fonctionnement acceptable. Repartir en arrière permettra certes des économies mais rendra inaccessible le but de toutes ces dépenses : offrir à chaque futur citoyen une éducation de qualité et la possibilité de s’insérer dans les meilleurs conditions dans le monde professionnel et dans la société.
13. lier la mise en œuvre de l’ensemble des mesures indemnitaires et de carrière aux économies procurées par la rationalisation de l’offre de formation et par une meilleure gestion des effectifs enseignants (recommandation réitérée) .