Madame la rectrice,

L’usure se fait sentir.

Elle est palpable à tous les niveaux. Dans les écoles, dans les établissements, dans les CIO, dans les services, à l’université, les personnels, les élèves et les étudiants vivent de plus en plus mal une situation exceptionnelle qui est devenue « normale ». L’inquiétude est forte pour les lycéens et les étudiants, dont la scolarité est maintenant lourdement grevée par un distanciel complet ou partiel qui brise la motivation. Cela fera pour eux au moins un an et demi d’enseignement sur un mode dégradé. Les collègues font ce qu’ils peuvent, mais l’enseignement à distance ne permet pas à autant d’élèves d’en tirer bénéfice, comparé à la situation habituelle où tout le monde est dans la même salle. L’aide donnée à la maison est devenue primordiale, et tout le monde n’a pas les mêmes ressources.

D’autant plus que cette « normalité » n’a rien de stable. La gestion des normes sanitaires devient illisible. Ce qui pouvait se comprendre il y a un an, face à une situation tout à fait nouvelle et imprévue, maintenant inquiète. Pourquoi les normes sont-elles constamment revues ? Pourquoi les décisions sont-elles toujours révélées la veille de leur application alors que l’on peut prévoir plusieurs semaines à l’avance l’évolution de l’épidémie à tel ou tel endroit ? Pourquoi tant de conférences de presses annoncées comme « capitales » qui font pshitt, alors que l’on apprend en marge d’un déplacement présidentiel que les enseignants seront bientôt vaccinés prioritairement. Promesse dont on ne sait d’ailleurs pas si elle sera réalisée, car déjà évoquée : rappelons qu’en janvier dernier, notre ministre parlait d’une vaccination « en mars au plus tard … ».

La crédibilité des normes sanitaires est interrogée, leurs variations continuelles rendent leur efficacité suspecte. Leur suivi risque donc d’être plus lâche et ce, au moment où l’épidémie est plus forte que jamais. Et les personnels sont las de pallier les manques de leur ministre, comme ces directeurs d’écoles chargés d’annoncer aux contractuels avant les vacances d’hiver la fin de leur contrat, pour découvrir à la rentrée qu’en fait ces contrats avaient été prolongés !

L’épidémie empiète sur la gestion d’autres dossiers. On soupçonne un suivi moins efficace que si les choses s’étaient déroulées à un autre moment.

Ainsi en est-il de la fermeture en catimini du collège de Sourdeval. Certes il s’agit d’une décision attendue depuis des années. Certes cette décision relève du conseil départemental et pas de la rectrice. Mais comment la représentante de l’Etat en Normandie a-t-elle pu laisser faire cette fermeture d’une façon aussi précipitée, aux dépens des familles et des droits des personnels ? On nous a « vendu » l’académie de Normandie avec l’argument que l’on aurait une rectrice qui pèserait face aux pouvoirs régionaux : force est de constater, Madame la rectrice, que vous ne pesez pas plus que vos prédécesseurs à l’académie de Caen.

Nous nous inquiétons aussi du manque de suivi et d’appui dont les personnels et élèves du lycée Jules Verne à Mondeville ont été les victimes. Alors qu’un incident traumatisant avait lieu, mettant en relief une situation dégradée depuis plusieurs années, la réaction de la hiérarchie rectorale n’a pas été vécue comme particulièrement à la hauteur : ni protectrice, ni compréhensive, ni bienveillante ! Alors que les personnels avaient besoin de se réunir, de partager les constats et de proposer des solutions, la seule réponse hiérarchique a été « tout est réglé » ! Les personnels attendent toujours que leur hiérarchie prenne ses responsabilités et vienne les soutenir.

La réforme de la formation initiale des enseignants semble aussi avoir pris beaucoup de retard. Le dernier CAFOR a été l’occasion de se rendre compte que l’on en était encore au stade d’une « réflexion stratégique » ; les questions des représentants du personnel sur la faisabilité technique ont été renvoyées à un groupe de travail ultérieur, groupe de travail dont la réalité s’est même évanouie en fin de réunion. Nous sommes au mois de mars ; les formateurs des INSPE sont largement encore dans l’incertitude, sans parler des L3 qui envisagent de devenir enseignants ; il va falloir massivement recruter des formateurs « de terrain », et évidemment aussi les former ; les établissements scolaires ignorent comment les stagiaires, contractuels ou étudiants, pourront prendre en charge des classes ; sans parler des étudiants en préprofessionnalisation, qui eux aussi doivent travailler avec les élèves. Il est temps, Madame la rectrice, que tout cela soit calé et connu.

Ce CTA d’ailleurs est concerné par cette réforme, par le sujet à l’ordre du jour du parcours préparatoire au professorat des écoles. Le SGEN-CFDT dénonce la mise en place de cette formation. S’il nous semble préférable d’appuyer ce parcours sur une licence de Sciences de l’Education et non de Maths ou de Lettres comme prévu initialement, nous considérons comme un retour en arrière cette formation. Son ancrage universitaire est contestable, avec juste une moitié de la licence qui se fera à l’université : cette évolution tranche avec la dynamique universitaire lancée dans les années 80 lors de la création des IUFM. Pire, on considère que la formation sera meilleure si elle est faite par des enseignants de terrain : des enseignants de lycée pour former des professeurs du premier degré, la simple énonciation en montre le ridicule. Comment ne pas penser à cette époque où les instituteurs, fonctionnaires de catégorie B, étaient recrutés directement après le bac. Comment éviter que les professeurs des Ecoles ne se sentent pas humiliés par ce retour à un décalage de formation : à partir du bac pour les PE, à partir de la licence pour les enseignants du second degré ?

Alors que les personnels de l’académie ont été au front durant toute l’épidémie, que le président, le ministre, vous Madame la rectrice, saluez en toute occasion leur attitude, que le président et le gouvernement ont affirmé que les certitudes d’avant Covid avaient été bousculées … on continue à supprimer des postes. Aucune leçon ne semble avoir été tirée.

Certains établissements sont fortement touchés : 4 postes à Mortagne, 5 au lycée Curie à Vire ou à Rostand à Caen, 6 postes au LP de l’Aigle, 7 postes à Cornu (Lisieux). Les Mathématiques sont sinistrées suite à la réforme (14 postes supprimés) ! La GA perd encore 8 postes ; cela était programmé, mais nous nous inquiétons toujours pour le suivi des collègues par les services.

5 postes sont supprimés sur le périmètre de Caen chez les personnels administratifs. En dehors de Sourdeval, qu’est-ce qui a changé structurellement dans les établissements qui justifie ces pertes ? Vous le savez comme nous, Madame la rectrice, il s’agit juste d’une affaire de gestion des comptes publics, décidée à Paris, et que l’on s’efforce de traduire pas trop mal localement, en ciblant les postes vacants. Il n’y a pas de notions de priorité ou d’équité malgré les discours. Le dernier groupe de travail sur les moyens a confirmé que la seule clé de répartition des postes était le nombre d’élèves, sans prise en compte de priorités comme la ruralité ou l’éducation prioritaire, voire de projets locaux, sinon « au doigt mouillé » ou suivant l’entregent de tel DASEN ou chef d’établissement. Même constat pour les postes administratifs et ITRF : les documents font référence à un « barème » dont les OS n’ont même pas pu prendre connaissance !

Les personnels sont usés madame la Rectrice. Usés par l’épidémie et ses conséquences, usés par l’improvisation et par le mépris qu’ils ressentent. Usés aussi par l’absence de perspective sur l’avenir de leur métier. Dans quelques mois l’épidémie sera un (très) mauvais souvenir : quelles leçons auront été tirées ?

La déclaration en Pdf

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