Lors du CA présentant le budget du CFA académique, nous avions déjà appris en décembre dernier que les recettes du CFA académique (6 millions d’euros) étaient insuffisantes face à une charge salariale trop lourde et qu’en 2018, 350000 euros avaient été déjà pris dans le fonds de roulement pour compenser. En cause notamment, une baisse du nombre d’apprentis dans certaines UFA, principalement dans la Manche, et une collecte de la taxe d’apprentissage inférieure à la somme attendue en raison de versements qui ne sont pas « allés au bon endroit » (en clair, au privé).

Cette situation, qui semblait déjà inquiétante pour l’avenir, s’est considérablement assombrie suite à la mise en place de la loi « liberté de choisir son avenir professionnel ». Vous vous souvenez peut-être de notre analyse critique du rapport Brunet menant à cette loi qui en a repris les principaux axes (voir ici) et de notre scepticisme vis-à-vis du remède miracle que serait l’apprentissage à la sauce Macron-Blanquer (voir ici). Malheureusement, nos inquiétudes se confirment.

En effet, les formations en apprentissage public étaient financées jusqu’alors par la région et la taxe d’apprentissage. Une section ouverte donnait lieu à un forfait, quel que soit le nombre d’apprentis. Les formations seront désormais financées à l’apprenti, le financement de la région étant remplacé par l’Etat et les branches, collecté et distribué par l’organisme France compétences. Il y a encore beaucoup d’interrogations concernant ces changements, France compétences n’ayant été créé qu’au 1er janvier 2019. En particulier, on ne connaît pas encore le « coût » de l’apprenti qui ne sera dévoilé qu’au mois d’avril et qui pourrait varier selon le niveau de formation de l’élève et le métier. En attendant, le CFA académique table sur un « coût » de 6000 euros avec environ 550 apprentis, ce qui donnerait une recette d’environ 3,3 millions d’euros. C’est nettement insuffisant pour préserver le modèle (c’est deux fois moins que les recettes 2018 qui se sont avérées insuffisantes), et malgré l’engagement du fonds de roulement à hauteur d’1,1 million d’euros, il manque toujours environ 2 millions.

Cela a amené à envisager le gel de certaines formations en apprentissage qui coexistaient avec le statut scolaire : pour simplifier, on ne garde que les statuts scolaires pour la rentrée prochaine. A l’inverse, les formations en apprentissage pur sont maintenues. Certaines formations en mixité perdurent quand elles sont « rentables ». Ce modèle ne pourra lui-même perdurer qu’à condition d’atteindre un seuil de rentabilité : en gros, il va falloir le plein des effectifs. Sur les 67 postes de collègues impliqués dans l’apprentissage, 17 seraient menacés.

Néanmoins, on injecterait « en intégration », dans des classes en statut scolaire où resteraient des places vacantes, non seulement des apprentis, mais aussi des adultes en formation continue. Cette intégration ferait bénéficier les collègues d’une rémunération supplémentaire en heures périphériques par apprenti, pour l’ingénierie pédagogique et la coordination, mais, à notre sens, posera toujours des problèmes de gestion de classe non négligeables.

A cela, s’ajoute une autre menace : les GRETA seraient eux-mêmes autorisés désormais à développer leurs formations en apprentissage.

Pour finir, un courrier récent du recteur à l’adresse des proviseurs, en date de 1er février, confirme dans le cadre de la loi l’injection d’apprentis dans les classes et la possibilité pour chaque élève de changer de statut (possibilité prévue par la réforme Blanquer du LP). « Pour les enseignants, et sans nullement en ignorer les contraintes, elle peut apporter un nouveau regard sur les méthodes pédagogiques en favorisant leur évolution et les pratiques autour du numérique ». Bref, nous allons donner des cours numériques pour les apprentis absents.

En résumé, chers collègues, faites chauffer les clés USB !