La décision surprise révélée jeudi dernier par le SNALC et le SNES, puis confirmée par le ministre vendredi, de décaler la prérentrée des enseignants, et donc la rentrée des élèves est incompréhensible, ridicule, dangereuse et humiliante.
Incompréhensible car si les plus corporatistes des organisations syndicales réclamaient mollement un décalage, rien ne le justifiait vraiment. Certes des collègues s’étaient fait surprendre et avaient programmé leurs vacances fin août. Certes le SNES avançait, sans rire, que les enseignants ne pouvaient plus partir que fin août, quand les prix sont plus faibles, à cause de leurs salaires de misère. Mais aucun mécontentement de fond n’existait chez l’ensemble des collègues, la plupart préférant échanger des vacances de la Toussaint à deux semaines pleines et la fin des journées de récupération le mercredi après-midi contre une journée de travail fin août.
Ridicule car le ministre essaye avec retard de nous faire avaler un « problème technique » sorti de son chapeau. Cela fait des années que les stagiaires sont convoqués la dernière semaine d’août pour une formation accélérée avec le même logiciel qui ne pourrait plus accepter ces mêmes stagiaires maintenant.
Dangereux car le message est clairement passé dans l’opinion : « les syndicats » dirigent l’Education nationale ; le ministre a tellement peu d’autorité et de savoir-faire qu’il capitule en rase campagne. Si le dossier de l’Ecole avait fortement pesé contre Nicolas Sarkozy il y a deux ans dans la tête des électeurs, c’est maintenant en sens inverse qu’il risque de jouer. La droite aura beau jeu de dénoncer les « cadeaux » faits aux fonctionnaires.
Enfin, c’est humiliant pour les enseignants, ravalés dans l’opinion publique à des égoïstes préférant garder une journée de vacances aux dépens de leurs élèves. Ceux-ci perdront une journée de travail ou devront la récupérer sur des mercredis après-midi. Car on n’imagine pas qu’une journée sera rajoutée en juillet : que diraient alors « les syndicats » !
C’est faire fi de l’engagement et du travail réel des enseignants, qui souvent se remettent au travail plusieurs jours avant la pré-rentrée, qui passent une partie de leurs vacances, de leurs week end et de leurs soirées à corriger des copies ou à préparer leurs cours.
Mais comment expliquer cela maintenant aux parents et à l’ensemble de la population ? L’équation enseignant = fainéant qui travaille 18h et est toujours en vacances (quand il n’est pas en grève) est ainsi renforcée.
Si Benoît Hamon n’est pas familier de la « Grande maison », il est urgent qu’il s’entoure maintenant de conseillers expérimentés car, après l’épisode de « l’assouplissement » du décret sur les rythmes, il a désormais perdu son crédit auprès des électeurs et des personnels de l’Education nationale.
Olivier Buon
Secrétaire général du SGEN-CFDT de Basse-Normandie