Le mercredi 8 janvier, des groupes de travail normands (Haute et Basse Normandie, réunis à Pont-Audemer) ont travaillé sur les nouvelles “LDG” académiques. Cet acronyme signifie “Lignes Directrices de Gestion”, ce qui n’est pas beaucoup plus parlant. De quoi s’agit ? Et quel rapport avec les mutations ?

Jusqu’à présent, une note de service académique, publiée tous les ans, donnait le détail des procédures et du barème pour les mutations intra. Cette note de service était discutée en amont avec les organisations syndicales, et chaque année voyait quelques modifications en fonction des besoins et des problèmes constatés. La loi de transformation de la fonction publique, du 6 août 2019, a ajouté un étage supplémentaire, “au-dessus” de cette note de service : les lignes directrices de gestion. Il s’agit de définir, pour 5 ans, les grands principes de gestion des personnels. La note de service est maintenue, mais doit se conformer évidemment à ces LDG. Et les syndicats ne pourront plus discuter de la note de service, mais seulement des LDG.

Pourquoi ce changements ? Fondamentalement, il s’agit de jeter à la porte les organisations syndicales. Celle-ci jouaient un rôle important dans les mutations, mais maintenant, chaque personnel doit être dans une relation directe et exclusive avec son employeur, l’Etat. Et on va le voir, il va devoir lui faire une sacré confiance !

L’exclusion de syndicats étant la seule chose un peu réfléchie dans cette réforme, le détail n’a pas été prévu : quid de la transparence des résultats pourtant affirmée ? Quid de l’organisation ? Quid tout simplement de l’intérêt des personnels ? On va le voir, ce n’est pas la priorité.

Pas de cohérence

La loi dit qu’il faut mettre en place les LDG. Donc le rectorat le fait. A minima, au moins dans un premier temps : on nous a affirmé que les notes de service pour les mutations 2020 seront identiques à celles de 2019. Et donc ce sont les principes de la LDG qui se calquent sur les barèmes de ces notes de service, et non l’inverse, comme cela est prévu. Une belle confirmation de l’inutilité de ces LDG !

Dans le même temps, le rectorat est très attentif à coller au maximum aux exemples donnés par le ministère, dans ses LDG nationales (qui concernent le mouvement inter). Il a été quasiment impossible, lors des groupes de travail, de faire modifier une ligne qui avait été copiée/collée du texte ministériel. Il ne s’agit pas d’une obligation règlementaire mais dans le doute, ne prenons pas de risque.

Certains personnels sont inexplicablement exclus. Les contractuels enseignants par exemple, ne sont pas concernés. Pourquoi ? Personne ne peut nous répondre. Ne peut-on les inclure ? Sans doute, mais le texte ministériel n’en parle pas, donc …

Dernier signe de bricolage :  autant certaines parties des LDG sont peu précises et générales, car il faut bien les différencier de la note de service qui elle entrera dans le détail, autant d’autres parties entrent dans le détail. C’est le cas surtout des limitations imposées sur les possibilités de recours ou d’intervention syndicale : là, il s’agit d’essayer de tout prévoir pour laisser les mains libres au maximum aux services de gestion.

Pas de transparence

La transparence est pourtant citée comme un principe à plusieurs reprises dans le texte. Elle était garantie jusque-là par un contrôle croisé entre les organisations syndicales et l’administration : tout le monde disposait des mêmes documents. A partir de maintenant, les services de gestion du rectorat sont les seuls à disposer des données et les seuls à pouvoir vérifier que les règles sont respectées. Et les personnels sont sommés de lui faire confiance. Tout (ou presque) doit rester confidentiel. Il n’y a pas mieux pour jeter le doute sur toutes les opérations futures de mutations ! Chacun pourra imaginer qu’il a été victime de manoeuvres à ses dépens, à tort ou à raison car les organisations syndicales ne seront plus présentes pour vérifier et expliquer.

Comment résoudre ce paradoxe entre une réalité d’opacité et l’affirmation d’un devoir de transparence ? Nous avons posé la question. La réponse a été : “on ne sait pas encore, on y réfléchit” !

Impréparation

D’autres réponses sont renvoyées à plus tard. Par exemple, les syndicats ne pouvant plus du tout expliquer aux collègues le résultat de leur mutation (puisque ils ne disposeront plus d’aucun document), le seul interlocuteur sera le rectorat. Les personnels administratifs qui y travaillent risquent d’être débordé par les appels, surtout s’ils veulent prendre le temps d’expliquer. Et malheureusement le ton parfois peut monter, alors que le personnel administratif au bout du fil n’est pas particulièrement responsable du désarrois des collègues. Comment protéger ces personnels, comment prendre le temps de répondre correctement aux collègues ? Le problème est nié dans un premier temps, puis dans un second on admet qu’il va falloir y réfléchir.

A cela s’ajoute une situation bien normande : la fusion de nos deux ex-académies va laisser perdurer jusqu’en 2022 deux territoires de gestion, chacun avec ses règles. L’ancien territoire haut-normand reste géré à Rouen avec ses propres mutations et notes de service ; pareil pour le territoire bas-normand, géré à Caen. Cependant, en 2022, tout sera unifié. Comment les pratiques des deux ex-académies convergeront, selon quel calendrier ? La question a été posée, mais nous n’avons pas eu de réponse.

L’exclusion des syndicats

Tous ces problèmes viennent du fait que l’objectif de ce nouveau texte vient d’une volonté première d’exclure les organisations syndicales du processus : pas de document pour vérifier que tout va bien, interdiction de s’adresser directement au rectorat sur un cas individuel. Les militants syndicaux ne seront tolérés que lors des recours. Et encore, seulement pour assister : on ne peut pas mandater. Et même pour assister, il faudra prouver que l’on en a le droit : les militants devront se munir de l’autorisation signée par le collègue et d’un autre papier signé par l’organisation syndicale ! Bien évidemment les services de gestion connaissent bien les militants et savent qu’ils sont légitimes, mais il s’agit de mettre le maximum de bâtons dans les roues, de compliquer les choses au maximum.

Et l’intérêt des personnels qui veulent muter ?

Et bien, tout est fait pour qu’ils ne puissent qu’accepter les décisions de l’administration : pas de possibilité de faire vérifier l’équité de traitement entre les personnels (aucune transparence) et une possibilité de contestation limitée à quelques cas : pas de mutation, ou mutation par extension (cas des stagiaires ou nouveaux entrants dans l’académie). Jusque-là, on pouvait contester dans tous les cas, c’est donc une dégradation. D’ailleurs, de façon générale, jamais l’amélioration des mutations pour les collègues n’est avancée pour justifier de la nouvelle procédure. Il s’agit juste de mettre dans un face à face direct le personnel, seul, et son employeur, bien plus puissant que lui.

En cas de problème, on voit bien qui imposera son point de vue.