La dénonciation des effets invariablement calamiteux du PPCR a été un sport très populaire l’année dernière. Rappelons que le protocole a été proposé par le gouvernement Hollande-Valls en juillet 2015 aux organisations syndicales représentatives de la fonction publique, que la CFDT, la FSU et l’UNSA ont voté pour, et que la CGT, FO et SUD ont voté contre. Ces trois dernières organisations n’ont eu de cesse ensuite de justifier un vote négatif pour le moins surprenant si l’on prend en compte les avancées de ce protocole. Peut-être l’hostilité suscitée par la personnalité du premier ministre de l’époque a-t-elle été plus importante que l’intérêt collectif des personnels …

D’autres syndicats comme le SNALC laissent penser qu’ils ont voté contre ce protocole, ce qui n’est pas possible car, n’étant pas suffisamment représentatifs dans la fonction publique, leurs avis n’ont pas été sollicités à ce moment-là.

 

Les critiques se sont largement apaisées depuis la rentrée. Il est vrai que beaucoup de peurs soulevées par des messages alarmistes se sont révélées fausses. Il est temps maintenant de poser un premier bilan de l’application du PPCR, franchement, sans ignorer ses avancées mais aussi les difficultés de la mise en place et les insuffisances du protocole. Pourquoi, en cette veille d’élections professionnelles, ne pas repartir des arguments des opposants ?

 

Le protocole PPCR est vaste (il signifie protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations), et nous ne reprendrons ici que les critiques sur la rémunération et la carrière, transmises par les boites électroniques aux personnels du second degré de l’académie, en favorisant les plus récentes, (normalement) les mieux informées.

 

Ce qui est affirmé La réalité Ce qui reste à obtenir avec quelques commentaires
L’augmentation de salaire prévue par le PPCR est faible, et non financée. Cela ne rattrape pas la perte de pouvoir d’achat sur les dernières décennies. Dans les faits, chaque échelon est revalorisé d’une dizaine de points d’indice sur la période 2017-2020, soit une cinquantaine d’euros par mois (presque le double en fin de carrière) ; un échelon supplémentaire à la hors-classe est créé ; une classe exceptionnelle est créée, qui n’existait pas avant. Ainsi, au lieu de pouvoir terminer sa carrière à 3647 euros brut au maximum, un certifié, un PLP, un CPE, un PsyEN ou un prof d’EPS peuvent aller jusqu’à 4555 euros (pour les agrégés, les chiffres correspondants sont 4486 et 5000 euros) !

Le coût pour le budget du pays est estimé à plusieurs milliards d’euros

Certes on peut toujours espérer plus, certes on peut réclamer que l’intégralité de ce qu’on revendiquait nous soit donné. Tous les syndicats ont des revendications sur ce sujet. Cependant, rien ne justifie de refuser ce qui est déjà obtenu.

Certes aussi, une partie de l’augmentation est promise et peut toujours être reportée. Celle de janvier 2017 a bien eu lieu et la classe exceptionnelle a bien été créée, mais l’augmentation de janvier 2020 a été reportée d’un an, comme d’autres mesures. Comme le gel du point d’indice ou le jour de carence, il s’agit de décisions du gouvernement actuel sur lesquelles, pour peser, il faut établir un rapport de force suffisant. Les dernières mobilisations n’ont, de ce point de vue, pas été à la hauteur et ont laissé le champs libre à la conception libérale que la fonction publique est surtout un coût. Qu’il faut limiter.

Avant, on pouvait avoir la hors-classe dès le 7ème échelon, alors qu’avec le PPCR, il faut attendre la deuxième année du 9ème échelon Il s’agit sans doute d’un des arguments les plus malhonnêtes qui nous ont été servis. La possibilité de la hors-classe dès le 7ème échelon a toujours été très théorique. Les différents barèmes successifs ont permis de favoriser les personnels aux 11ème et 10ème échelons, et ce dans un consensus intersyndical. Il a été plus que rarissime que des collègues du 7ème échelon soient promus, et cela s’est toujours accompagné de protestations des organisations syndicales. Dans les faits, ce décalage de la possibilité de promotion ne change rien pour 99,99% des collègues. Le SGEN-CFDT a toujours combattu les très rares cas de promotions au 7ème ou 8ème échelons proposées par le rectorat. Pour des raisons morales, car, sans exposer ici des cas individuels, les raisons avancées ou cachées par le recteur étaient inacceptables.
Le nouveau barème de la hors-classe donne un poids prépondérant à l’avis sur la valeur professionnelle de l’agent » pour FO et au contraire « laisse une part trop forte à l’ancienneté » selon le SNALC.

 

Certes, il est toujours un peu compliqué de bien comprendre les différents systèmes de promotion, mais on pourrait espérer que des organisations syndicales qui ont des élus en Capa soient en mesure de le faire. Ici, FO ne comprend pas le nouveau système issu du PPCR. Dans l’ancien système, les avis donnés par les inspecteurs et les chefs d’établissement avaient un poids énorme. Pour deux collègues arrivés en même temps au 10ème échelon, il était habituel que l’on ait 6 ou 7 ans de décalage pour le passage à la hors-classe.

Avec le nouveau système, ce décalage est au maximum de 5 ans, et dans la plupart des cas, de 4 ans.

Le SGEN-CFDT revendique que le passage à la hors-classe soit automatique (mais c’est compliqué, voir plus bas), ou à défaut qu’il soit le moins inégalitaire possible. Contrairement au SNALC, qui estime que c’est « le mérite et la qualité professionnelle qui doivent être essentiellement pris en compte et valorisés », nous pensons que tout le monde, sur une carrière complète, doit accéder et aller au bout de la hors-classe. Durant des années, nous avons pu prouver en commission (parce que nous faisions notre travail!) que le « mérite » justifiant les passages plus ou moins rapides étaient plus liés à la discipline enseignée ou à l’établissement d’exercice qu’à des critères objectifs (voir ici et ici en 2015-2016, ici et ici en 2014-2015 par exemple). Tout simplement parce que le mérite ne peut pas se mesurer, chacun en ayant sa propre définition. Le moins injuste est de rendre les passages d’échelons automatiques et de reconnaître l’engagement par d’autres moyens, comme l’accès facilité à la classe exceptionnelle.
Il n’y a pas de garantie règlementaire que tout le monde puisse accéder à la hors-classe, contrairement aux engagements du PPCR En l’état actuel du code de la fonction publique, il n’est pas possible d’avoir un accès automatique à la hors-classe, au contraire des passages d’échelons. Il faudrait changer les statuts de la fonction publique.

Pour éviter d’être attaqué devant le tribunal administratif, le ministère a dû mettre place un barème qui permet à certains d’avancer un peu plus vite et de prévoir la possibilité de bloquer le passage.

Cependant la réduction du nombre d’années pour parcourir la classe normale pour la majorité des collègues (de 4 ans pour ceux qui passaient à l’ancienneté) et un passage plus automatique à la hors-classe (voir plus haut) garantissent dans les faits l’engagement du ministère.

La CFDT n’est pas opposée à la modification sur ce point du statut de la fonction publique. D’autres organisations syndicales, qui paradoxalement font partie des critiques du PPCR, bondissent dès que l’on évoque le moindre changement de ce statut …

 

Par ailleurs, et contrairement à la légende urbaine qui est en train de naître dans les salles des profs, une appréciation « à consolider » ou « satisfaisant » du recteur n’est absolument pas rédhibitoire pour le passage à la hors-classe. Ce passage sera moins rapide (2 à 3 ans par rapport à un avis « très satisfaisant »), mais il aura lieu.

L’accès à la classe exceptionnelle est en grande partie (80%) fondée sur des critères fonctionnels.

90% des collègues seront irrémédiablement exclus !

Une chose est vraie, l’autre totalement fausse.

La classe exceptionnelle est effectivement un grade fonctionnel, c’est à dire qu’il faut avoir exercé certaines fonctions pour y accéder : avoir enseigné en éducation prioritaire, avoir été chef de travaux (DDFPT), avoir enseigné en BTS, avoir été formateur … pendant au moins 8 ans. Plus exactement, l’accès est largement facilité quand on a exercé ces fonctions. Et le jeu en vaut la chandelle car financièrement, c’est très intéressant. Pour plus de détails, voir ici.

Par contre, il est totalement faux de dire que 90% des collègues seront irrémédiablement exclus de la classe exceptionnelle. En effet, cette dernière représentera en 2023 10% du corps, c’est à dire que chaque année, 10% des certifiés par exemple seront dans la classe exceptionnelle, et que donc 90% n’y seront pas. Mais évidemment, parmi ces 90 %, une bonne partie de ces collègues y accèderont plus tard dans leur carrière, quand ils rempliront les conditions.

Ce nouveau grade n’existait pas du tout avant. Et clairement, tout le monde n’y accèdera pas dans l’état actuel des choses.

L’avancement différencié (ancienneté, choix et grand choix) a pour l’essentiel été supprimé dans les passages d’échelon. Seul un avancement plus rapide d’un an existe pour les 7ème et 9ème échelons.

Cependant, beaucoup de collègues sont attachés à une reconnaissance de l’investissement et ce grade a été créé pour cela.

De nombreux problèmes se posent cependant. D’une part les fonctions retenues sont pour l’instant très restrictives. Par exemple, les formateurs non titulaires du CAFFA ne sont pas pris en compte. Cependant, cette certification n’existe que depuis 2015 et tout l’investissement antérieur est donc pour l’instant perdu. C’est surtout pour éviter des recours juridiques que le ministère n’a pour l’instant retenu que des fonctions administrativement vérifiables. Le SGEN-CFDT travaille à ce que tous les engagements soient effectivement reconnus.

Autre problème : le vivier de ceux qui réunissent les 8 années de fonctions est déjà épuisé dans certains corps dans l’académie de Caen ou le sera bientôt, et on ne peut pas augmenter la part de ceux qui accèdent à la classe exceptionnelle sur le « mérite » (20%). Il faut donc clairement revoir les modalités d’accès à ce grade : si certaines fonctions doivent être valorisées et permettre d’y accéder plus vite, il ne faut pas fermer ce nouveau grade aux autres collègues.

L’accès à la hors-classe et à la classe exceptionnelle aggrave les différences salariales entre hommes et femmes Cette affirmation est fausse. Le ministère, le rectorat et les organisations syndicales présentes en CAPA ont été très attentives à ce que les promotions reflètent la réalité de la répartition hommes/femmes. Dans les faits, à dossiers équivalents, des femmes ont été favorisées par rapport à des hommes. C’est un progrès réel par rapport à la procédure précédente. Le SGEN-CFDT est très attaché à l’égalité hommes/femmes et donc à une politique active de réduction de ces inégalités. Et il semble, d’après l’expérience que nous avons pu avoir sur Caen, que le gouvernement actuel soit sur la même longueur d’onde. Nous n’avons trouvé aucune étude publiée d’un syndicat qui pouvait expliquer ce reproche.
Les ratios de promotion à la hors-classe ont été connus très tard et on pouvait craindre que le gouvernement ne tienne pas son engagement de promouvoir au moins autant de collègues qu’avant. Effectivement les ratios ont été transmis avec plusieurs mois de retard, ce qui est tout à fait anormal, même si ce type de problème devient récurent actuellement.

Cependant, il y a bien eu un nombre au moins équivalent de promus, et en fait un peu plus. Les craintes agités sur ce point se sont révélées vaines.

 
Les commissions paritaires n’ont pas pu se tenir correctement pour la hors-classe et la classe exceptionnelle A cause d’une part des difficultés habituelles d’organisation quand on change de système, à cause aussi du retard de la publication d’un certain nombre de textes, à cause encore de la surcharge de travail demandée aux services du rectorat, et à cause enfin du contexte de la fusion d’académies (absence d’un chef de la DPE à Rouen pendant plusieurs mois), la tenue des commissions paritaires (CAPA) a souvent été retardée.

Cela cependant n’a en aucun cas porté préjudice aux collègues. Toutes les promotions prévues ont été effectuées.

 
Les appréciations du recteur mises l’année dernière pour la hors-classe sont pérennes. C’est parfaitement vrai et et cela pose réellement problème. Ce n’est pas en soi un des termes de l’accord PPCR. Le problème vient ici de l’application mal comprise par beaucoup d’évaluateur du changement de système.

Si tous ceux qui arrivent dorénavant au 9ème échelon ont un rendez-vous de carrière, il a fallu trouver un système transitoire pour ceux qui sont plus avancés dans la carrière. Il a été décidé par le ministère de leur donner une appréciation sur le modèle de ces rendez-vous de carrière … mais à partir des seuls éléments du dossier (notes en particulier)

Jusqu’à présent, les avis à la hors-classe étaient refaits tous les ans par les inspecteurs et les chefs d’établissement et s’ajoutaient à ces notes. Vu le fonctionnement de l’ancien système, ces évaluateurs favorisaient souvent les collègues les plus âgés, pour leur permettre de partir en retraite avec une meilleure pension. Typiquement, les avis « très favorable » étaient plus facilement donnés à des collègues au 11ème échelon.

Le nouveau système prend par contre déjà en compte l’ancienneté dans la carrière d’une part, et l’avis émis dorénavant lors du dernier rendez-vous de carrière sera pérenne, mais beaucoup des évaluateurs ne l’ont pas compris et ont continué à favoriser les plus âgés. Sans compter d’autres problèmes liés à l’introduction de quotas ou de d’absence d’inspection depuis de nombreuses années, qui existaient déjà depuis longtemps et qui rendaient l’ancien système injuste.

Les problèmes ont été particulièrement importants pour les collègues professeurs des écoles.

Le SGEN-CFDT, comme la majorité des organisations syndicales, demande la réouverture de la procédure d’évaluation pour la hors-classe cette année. Le ministère semble conscient des nombreux problèmes techniques qui ont émaillé ce qui s’est passé l’année dernière.
Le rapport entre les avis des inspecteurs et des chefs d’établissement d’une part, et l’appréciation du recteur d’autre part, est incompréhensible. C’est un fait, pour des raisons un peu compliquées, le rapport entre les avis et l’appréciation est illisible.

Comme ce n’est pas simple, un article spécial a été écrit sur ce sujet pour expliquer le processus qui a mené jusqu’à cela.

Le SGEN-CFDT continue à réclamer une différenciation totale entre l’évaluation des personnels, qui doit être positive, et l’avancement, qui doit être le même pour tous et où la reconnaissance de l’engagement doit être traduit par d’autres moyens (accès à la classe exceptionnelle facilité, points donnés pour les mutations, etc.).