Nous attendions avec une certaine impatience la nomination du nouveau ministre de l’Education. Il s’agit donc de Jean-Michel Blanquer, rouage essentiel des politiques appliquées sous les ministres Gilles de Robien (à l’époque de Jacques Chirac) et Luc Chatel (à l’époque de Nicolas Sarkozy).
Le nouveau président, même s’il avait annoncé faire de l’Education "la mère des batailles", n’avait pas de programme réellement construit dans ce domaine. Quelques mesures étaient annoncées comme la réduction du nombre d’élèves par classe en primaire dans les zones d’éducation prioritaire, le refus d’affecter d’office des débutants en REP+, l’augmentation de la prime toujours en REP+, la limitation du nombre d’épreuves terminales au bac, l’introduction d’une sélection dans l’accès au supérieur, l’introduction d’une filière réservée aux bacheliers professionnels dans le supérieur, la possibilité d’abandonner les EPI et l’AP au bénéfice des classes bilangues et des langues anciennes au collège, l’autonomie importante données aux établissements sur leurs moyens mais aussi aux communes sur les rythmes scolaires, la régionalisation de l’enseignement professionnel, les investissements dans la formation continue à destination des salariés au chômage …
Cela faisait beaucoup de choses, mais ces mesures ne formaient pas un programme cohérent, pas au niveau en tous cas de ce que le candidat Hollande avait présenté. Autant Vincent Peillon était en 2012 l’homme qui avait travaillé à ce programme auprès de Hollande, et donc ministre “naturel” pour l’Education nationale, autant personne n’était autant identifiable auprès d’Emmanuel Macron. Et les mesures du programme d’En marche ! ne se rattachaient pas facilement à une philosophie globale de l’Education, en dehors de l’idée "faisons confiance aux différents acteurs, libéralisons".
La nomination de Jean-Michel Blanquer a brusquement clarifié les choses. Le numéro 2 du ministère sous Nicolas Sarkozy a appliqué une politique scolaire aux antipodes de ce que réclamait le SGEN et de ce que nous avons vécu durant ces 5 dernières années : suppressions massives de postes, sous divers prétextes, ou suppression de la formation professionnelle des enseignants (IUFM) par exemple. Certes, en tant que haut fonctionnaire, il s’agissait de sa mission, et on ne peut pas le tenir comme comptable de mesures décidées par d’autres. Cependant, le nouveau ministre a théorisé ses vues dans un livre récent. Et elles sont très proches de ce qu’il a supervisé jusqu’à il y a 5 ans. Si dans quelques mesures du candidat Macron, nous pouvons nous reconnaître, il est bien évident que la philosophie générale que revendique Jean-Michel Blanquer posera rapidement problème : au centre de ses vues, on trouve la restauration de l’autorité, l’autonomie des chefs d’établissement, l’évaluation des personnels par les résultats, la concurrence entre les établissements, les groupes de niveaux, les lycées professionnels confiés aux régions …
Ces politiques ont montré leur incapacité à réduire les inégalités. Au contraire, elles les ont approfondies. Emmanuel Macron proclame qu’il veut réduire les fractures de la société française, terreau du Front national. En se mettant, dans l’Ecole, dans les pas de Nicolas Sarkozy, il s’engage dans une impasse et prend le risque de se mettre très vite à dos le monde de l’Education. Peut-être même dès les élections législatives.
Il vient probablement de faire sa première erreur politique.
Olivier Buon
Secrétaire général du SGEN-CFDT de Basse-Normandie