L’annonce a été faite dès lundi dernier par la ministre (les adhérents avaient déjà été alertés par nos soins). On en parle dans les salles des profs et dans les bureaux. Mais de quoi s’agit-il réellement ? Quand cela va-t-il s’appliquer ? Que reste-t-il à négocier ? Ne s’agit-il pas d’une mesure purement électoraliste ?
Bref, que faut-il en penser ?
Petit rappel
L’accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) concerne les 3 versants de la fonction publique. Il a été finalisé à l’automne 2015 et accepté par la CFDT, l’UNSA et la FSU (CGT et FO ont voté contre). Il devait permettre :
– de revaloriser l’ENSEMBLE des grilles de salaires,
– de convertir une partie des primes en points d’indice (ce qui améliorera les pensions versées à la retraite),
– de permettre à TOUS et TOUTES de pouvoir accéder au deuxième grade (hors classe),
– de pouvoir progresser tous et toutes au même rythme
– d’accéder sous conditions à un troisième grade.
Le détail des mesures annoncées à ce moment est disponible ici.
Cet accord est depuis décliné dans chaque ministère, chaque corps, avec à chaque fois des négociations entre employeur et représentants des personnels.
Pour l’Education nationale, après avoir reçu chacun des syndicats représentatifs, la ministre a émis des propositions qui seront maintenant discutées.
Les mesures salariales
C’est ce qui est mis en avant pour l’instant.
Au moment où ces mesures entreront pleinement en œuvre (en 2020, voir le calendrier ici), cela correspondra une augmentation de plus de 100 euros nets par mois sur le bulletin de salaire (quelques exemples ici :PPCR, qu’est-ce que ça change, concrètement ?). A échelon identique et hors augmentation éventuelle du point d’indice. Les premières augmentations seront visibles sur le bulletin de salaire à la rentrée 2017.
Par ailleurs, un nouveau grade est créé, la « classe exceptionnelle », qui contrairement aux deux autres grades (la classe normale et la hors-classe), ne sera par contre pas accessible à tout le monde (10% du corps) : c’est l’exercice de certaines fonctions (directeur d’école, formateur, chef de travaux, exercice en éducation prioritaire), sur une certaine durée (en général 8 ans) qui en permettra pour l’essentiel l’accès.
Un avancement refondu
Plusieurs changements importants et positifs sont à noter.
Il n’existe plus qu’un seul rythme d’avancement pour la classe normale. Disparition donc de l’ancienneté, du choix et du grand choix, tout le monde avance en même temps. La durée totale de l’accès au 11ème échelon est de 26 ans, comme quelqu’un qui aurait toujours avancé au choix dans le système actuel (voir les grilles ici : certifiés, PE, PLP, COP et CPE, et celle des agrégés). Cependant, les durées d’échelon sont légèrement modifiées, en plus ou en moins, par rapport au choix d’aujourd’hui, l’ensemble restant globalement à 26 ans.
Le dernier échelon de la hors-classe sera atteint par tous les enseignants qui font une carrière complète. Le passage sera donc automatique ; seule la rapidité de ce passage sera différente, en fonction de l’évaluation faite par la hiérarchie. Il faudra avoir au moins deux ans d’ancienneté dans le 9ème échelon pour prétendre à la hors-classe. Un échelon supplémentaire en hors-classe est ajouté, ce qui amènera en fin de carrière un certifié à la hors-classe à l’indice 821 (qui est symboliquement l’indice sommital actuel de la classe normale des agrégés).
Le ministère a cependant voulu garder deux moments possibles d’accélération, aux 6ème et 8ème échelons (donc pour accéder aux 7ème et 9ème échelons), où l’on pourra gagner un an d’ancienneté (30% du corps). La Classe normale pourra donc pour certains durer seulement 24 ans.
A cela il faut donc ajouter le GRAF, déjà décrit plus haut.
Pour tout cela, un reclassement général sera mis en œuvre à la rentrée 2017 (voir les règles ici).
Une évaluation repensée
C’est la partie pour l’instant la plus floue.
Le ministère avance trois principes qui vont dans le bon sens. Le premier est de distinguer une évaluation à visée formative, afin d’accompagner les enseignants dans l’amélioration de leur pratique professionnelle, d’une évaluation de la valeur professionnelle visant à réguler les flux de promotions. Le second principe est de fonder cette évaluation de la valeur professionnelle sur une base objective, un bilan professionnel qui reste à définir. Le troisième est l’abandon de la notation des enseignants (notes administratives et pédagogiques), modalité autant infantilisante qu’inefficace.
Pour le Sgen-CFDT, ces trois principes sont bons, mais le ministère ne se donne pas encore les moyens de les atteindre : le Sgen-CFDT veut une évaluation formative et non infantilisante distincte de l’évaluation de la valeur professionnelle.
Chaque enseignant aura en fait 3 ou 4 rendez-vous de carrière. Le premier dans la 8ème année de carrière où une première accélération de carrière pourra être attribuée (à 30% des enseignants). Le second dans la 14ème année avec le même taux d’accélération. Le 3ème aura lieu lors de la 21ème année, pour un passage à la hors-classe plus ou moins rapide. Enfin en fin de carrière on pourra demander à accéder à la classe exceptionnelle (20% des promus les seront au « mérite »).
D’autres inspections seront toujours menées, mais dans une optique formative, sans enjeu sur la carrière. On peut espérer que ce nouveau système libèrera du temps pour les inspecteurs, pour leur permettre de développer leur rôle de formation et d’aide aux collègues.
Est-ce une mesure électoraliste ?
L’annonce de ces mesures à un an de la présidentielle n’aura échappé à personne. Actuellement, toutes les décisions politiques et les déclarations sont en lien avec cette échéance électorale. De plus, l’application est largement reportée à après les élections. Le « deal » est donc clair : « si vous ne votez pas pour nous, vous n’êtes pas sûrs de voir la couleur de ces augmentations avec une autre majorité ». Ce qui est confirmé par les programmes des candidats de droite.
Cependant il ne faut pas non plus caricaturer. Le gouvernement actuel a laissé le gel des salaires des fonctionnaires en place jusqu’à cette année. Il n’a jamais caché qu’il attendait une amélioration de la conjoncture économique et des finances publiques pour y mettre fin. Sa priorité était la baisse du chômage qui commence à pointer son nez.
Il aurait pu simplement se borner à relancer une augmentation du point d’indice, où à proposer un rattrapage de celui-ci.
Il a préféré pour l’ensemble de la fonction publique et en particulier dans l’Education nationale en profiter pour refondre les principes de la carrière des fonctionnaires. C’était une demande de la CFDT et du SGEN. Ainsi la revalorisation sera plus intéressante à terme que si le point d’indice n’avait pas été gelé.
On commence avec les principes mis en avant par le ministère à avancer dans la fonction publique vers une gestion des ressources humaines du XXIème siècle, et non plus du XIXème siècle. La droite au pouvoir pendant 10 ans avait au contraire favorisé le « mérite », impossible à mesurer, mais « vendeur » électoralement parlant, ainsi que les heures supplémentaires pour pallier aux baisses d’effectifs.
Cela coûtera cher, plus de 5 milliards d’euros par an rien que pour l’Education nationale, mais la France rattrape ainsi son retard dans la rémunération de ses enseignants par rapport à ses voisins.